
En haut du Col Sud, le vent ne s’arrête jamais. Le 22 septembre 2025, le ski-alpiniste polonais Andrzej Bargiel se tenait à 8 848 mètres et s’engageait sur une ligne qui redéfinirait ce qui est possible sur l’Everest. Il avait gravi sans oxygène supplémentaire. Maintenant, il descendrait de la même manière—du sommet au camp de base, en une seule descente continue.
Bargiel a commencé par la route familière du Col Sud, se déplaçant avec la précision qui est devenue sa marque de fabrique. Il a skié à travers le ressaut Hillary et dépassé le Balcon, tracé des virages contrôlés sur la face du Lhotse, et navigué dans la cascade de glace du Khumbu avec le genre de micro-ajustements qui séparent la survie du désastre en altitude extrême. Un whiteout et l’épuisement pur l’ont forcé à passer une nuit au Camp II, divisant la descente en deux étapes. Mais le matin du 23 septembre, il avait accompli ce que personne n’avait fait auparavant : une descente à ski du sommet au camp de base sans bouteille d’oxygène.
Les images diffusées par son équipe via Red Bull Content Pool montrent des virages étroits et contrôlés dans la neige tassée par le vent. L’exploit va au-delà de l’athlétisme—Bargiel a passé près de 16 heures au-dessus de 8 000 mètres, dans un air ne contenant qu’un tiers de l’oxygène au niveau de la mer. C’était du ski délibéré et chirurgical à la limite de la physiologie humaine.
Trois semaines plus tard, Jim Morrison abordait l’Everest par le nord. Le 15 octobre 2025, le skieur américain a atteint le sommet et s’est engagé dans les couloirs Hornbein et Japonais—une ligne à travers la face nord de l’Everest qui avait vaincu ou tué les tentatives précédentes. Morrison a skié 2 760 mètres (9 055 pieds de dénivelé) en une seule poussée, terminant la descente en 4 heures et 5 minutes. L’itinéraire exigeait tout : pente extrême, couloirs étroits et sections où il devait retirer ses skis pour descendre en rappel.
Là où la descente de Bargiel était une étude de contrôle et de patience, celle de Morrison était vitesse et improvisation. Son expédition a été documentée par une petite équipe média dirigée par Jimmy Chin et Chai Vasarhelyi. Morrison a dédié la descente à Hilaree Nelson, sa défunte partenaire décédée au Manaslu en 2022. Pour lui, ce n’était pas seulement un objectif technique—c’était personnel.
Les deux descentes sont entrées dans l’histoire, mais de manières différentes. Bargiel a réalisé la première descente à ski du sommet au camp de base sans oxygène sur l’Everest. Morrison est devenu le premier à skier l’intégralité de l’itinéraire du couloir Hornbein—une ligne qui a coûté des vies, notamment Marco Siffredi qui y a disparu en 2002. Les deux hommes avaient des équipes de tournage documentant leurs tentatives, des images qui définiront cette ère du ski extrême.
Ce qui relie ces histoires, ce n’est pas seulement les mètres de dénivelé ou les permis. C’est l’insistance que la montagne soit abordée selon les termes de l’athlète. La carrière de Bargiel se lit comme un registre de risques calculés : acclimatation méticuleuse, reconnaissance par drone des lignes, et prise de décision conservatrice qui s’additionne en réalisations extraordinaires. Sa descente de l’Everest était l’aboutissement d’années de planification—fusionnant pureté de l’ascension et de la descente sur le plus haut sommet du monde.
Morrison porte des influences différentes. Il est façonné par la culture freeride et une vie de ski extrême. Son ascension et sa descente étaient à la fois profondément personnelles et publiques, filmées pour une sortie documentaire. Dans des interviews, Morrison a décrit la ligne comme une offrande—une façon d’honorer l’obsession partagée et le partenariat perdu.
Il n’y a pas de moyen simple de comparer ces descentes. L’approche sans oxygène de Bargiel était-elle plus impressionnante ? Ou la première descente du Hornbein par Morrison ? Le débat passe à côté de l’essentiel. Chaque descente a changé ce que nous pensions possible. Bargiel a redéfini les limites physiologiques en altitude. Morrison a prouvé qu’une ligne légendaire pouvait réellement être skiée. Ils ont fait progresser le sport sous des angles différents—l’un par l’exécution technique durable, l’autre par l’audace esthétique.
Au camp de base, les équipes Sherpa qui ont soutenu les deux expéditions ont mesuré les conditions avec un langage pratique : fenêtre, corniche, sérac. Pour eux, la différence entre le succès et la tragédie se mesure en fenêtres météo et en timing. Les images des deux descentes—imagerie haute résolution de Red Bull Content Pool pour Bargiel et l’équipe média personnelle de Morrison—seront étudiées pendant des décennies.
S’il y a une leçon ici, ce n’est pas une question d’orgueil ou d’humilité. C’est comment la compétence et le jugement se jouent sur la neige raide. Bargiel et Morrison pratiquent des approches différentes de la même montagne. L’un est méthodique et précis. L’autre est intuitif et rapide. Ensemble, ils montrent que le ski-alpinisme moderne n’est pas une seule chose—c’est une conversation entre technique et tempérament, entre ce que nous pouvons mesurer et ce que cela coûte.
Deux descentes, deux philosophies
La précision d’ingénieur de Bargiel rencontre l’instinct freeride de Morrison. L’un prouve que le contrôle est possible dans la zone de la mort. L’autre montre comment façonner le chaos en forme. Entre eux se trouve le véritable sommet du ski-alpinisme moderne—où calcul et instinct tracent la ligne parfaite.


Notes techniques et équipement
Configuration de Bargiel
- Skis de randonnée ultra-légers similaires à ceux utilisés lors de sa descente du K2 en 2018.
- Chaussures Salomon X-Alp S-Lab Carbon : rigides mais minimales.
- A skié dans la cascade de glace du Khumbu sans utiliser les cordes fixes—possiblement le premier à le faire.
- A géré les transitions entre la glace dure comme du béton au Balcon et la croûte molle dans la cascade de glace.
- Sac minimal : équipement avalanche, sonde, moniteur de saturation O₂, communications, kit de secours.
Configuration de Morrison
- Skis freeride de grande montagne avec haute rigidité torsionnelle pour terrain à 50°+.
- Fixations de randonnée avec verrouillage instantané pour la descente.
- Détecteur de victime d’avalanche, sonde, airbag, crampons, équipement de bivouac minimal.
- L’équipe de soutien a utilisé des drones et des caméras haute altitude pour filmer sur la face nord.
Facteurs environnementaux
- Bargiel a affronté des températures autour de –30°C avec des vents dépassant 40 km/h ; pression barométrique au sommet environ 330 mbar.
- Morrison a rencontré le manteau neigeux plus dur et froid typique du côté tibétain—conditions fermes entrecoupées de poches chargées où toute chute serait fatale.
Contexte de performance
- L’approche sans oxygène de Bargiel est sans précédent pour une descente à ski du sommet au camp de base.
- L’enchaînement Hornbein/Japonais de Morrison a marqué la première descente à ski complète de cette ligne de la face nord.
- Les deux ont nécessité une acclimatation d’élite (VO₂ max supérieur à 70 ml/kg/min) et une coordination neuromusculaire exceptionnelle sous hypoxie.
Chronologie – Andrzej Bargiel (route du Col Sud)
| Date | Heure (locale) | Événement |
|---|---|---|
| 19 sept. 2025 | 04h30 | Départ du camp de base pour l’assaut du sommet |
| 21 sept. 2025 | 23h24 | Départ du Camp IV (Col Sud, ~7 900 m) |
| 22 sept. 2025 | ~15h00 | Sommet atteint (8 848 m) sans O₂ |
| 22 sept. 2025 | Soirée | Arrivée au Camp II (~6 400 m) |
| 23 sept. 2025 | 08h45 | Arrivée au camp de base |
Chronologie – Jim Morrison (face nord couloirs Hornbein/Japonais)
| Date | Heure (locale) | Événement |
|---|---|---|
| 15 oct. 2025 | ~14h00 | Sommet atteint via le Col Nord |
| 15 oct. 2025 | ~18h05 | Descente terminée (2 760 m de dénivelé en 4h 5min) |
Brève histoire du ski sur l’Everest
1970 – Yūichirō Miura (Japon)
A tenté un ski assisté par parachute sur la face du Lhotse ; a survécu à une chute presque mortelle.
2000 – Davo Karnicar (Slovénie)
Premier à skier en continu du sommet au camp de base (route du Col Sud) en utilisant de l’oxygène supplémentaire.
2002 – Marco Siffredi (France)
Disparu en tentant le couloir Hornbein sur la face nord—un précédent sobre pour les futures tentatives sur cette ligne.
2006 – Kit DesLauriers (États-Unis)
Première femme à skier depuis le sommet de l’Everest (route du Col Sud), dans le cadre de son projet Seven Summits.
2018 – Andrzej Bargiel (Pologne)
Premier à skier du sommet au camp de base du K2 sans oxygène supplémentaire, établissant son approche pour son objectif éventuel sur l’Everest.
2025 – Bargiel et Morrison
Bargiel réalise la première descente sans oxygène du sommet au camp de base sur l’Everest. Morrison ouvre la première ligne de ski complète à travers le couloir Hornbein sur la face nord. Ensemble, ils redéfinissent les limites du possible.





