
La célèbre flotte rouge suisse entame sa transformation avec l’arrivée du H145 D3, hélicoptère à cinq pales de la Rega, conçu pour les Alpes.
Un hélicoptère conçu pour la Suisse
Par un matin de printemps humide à Lausanne, la silhouette rouge et blanche bien connue d’un hélicoptère Rega s’élève du tarmac et entame un virage serré au-dessus du lac Léman. De loin, tout semble normal. Mais de près, un détail change : le disque du rotor forme un cercle parfait, ses cinq pales silencieuses et souples dans l’air saturé d’humidité. L’appareil — surnommé « E45 » par les ingénieurs de Rega, mais officiellement Airbus H145 D3 cinq pales — est le premier d’une série de 21 hélicoptères destinés à remplacer toute la flotte suisse de secours d’ici 2026.
Un hélicoptère pensé pour les montagnes suisses
Le travail en montagne exige puissance à haute altitude, espace pour une civière et un treuil, et une avionique capable de naviguer dans des vallées souvent bouchées. Le H145 D3 ajoute 150 kg de charge utile par rapport à la version à quatre pales, monte confortablement au-dessus de 5 000 m et croise à environ 230 km/h, tout en réduisant les vibrations grâce à son rotor sans palier. La cabine à plancher plat, de la taille d’une ambulance, accueille un véritable bloc de soins intensifs ; à l’extérieur, un treuil de 90 m soulève 250 kg depuis des rebords à peine exploitables.
Rega a également demandé une fonctionnalité unique : un pilote automatique quatre axes, couplé à des procédures RNP-AR basées sur satellite, permettant des approches courbes dans des vallées brumeuses ou enneigées. Le régulateur suisse a certifié ce système l’an dernier ; les premières données suggèrent qu’il pourrait réduire de moitié les interventions annulées pour cause météo, qui laissent environ 600 patients en attente chaque année.
Du mécénat à la haute technologie
Le coût total pour 21 nouveaux hélicoptères et leurs aménagements médicaux dépasse les 200 millions de CHF. Aucun financement public. Rega est une fondation privée à but non lucratif, financée principalement par plus de 3,5 millions de donateurs, soit deux Suisses sur cinq. Ce modèle de solidarité, lancé en 1966 alors que Rega frôlait la faillite, couvre encore aujourd’hui environ deux tiers des frais ; les assureurs paient le reste.
Fonctionnement du système
14 bases réparties dans tout le pays sont en alerte permanente 24h/24. Une centrale d’urgence à l’aéroport de Zurich gère le célèbre numéro 1414.
Chaque mission standard mobilise trois personnes : pilote, médecin urgentiste et opérateur-treuil. Les sauvetages en montagne peuvent inclure un spécialiste du CAS.
Les rapatriements longue distance sont assurés par trois jets CL-650 basés à Kloten, capables de transporter des patients en soins intensifs depuis n’importe où.
Une demande constante
En 2024, Rega a réalisé 19 667 missions, transportant 12 847 patients — soit 35 par jour. Un chiffre légèrement inférieur au record de 2023 (20 647 missions). Accidents de ski, chutes, crises cardiaques dominent les appels, mais les interventions vont du sauvetage de grimpeurs à l’évacuation de bébés prématurés.
L’E45 sur le terrain
Portance accrue : moteurs Safran Arriel 2E et tête de rotor allégée offrent 150 kg de charge utile supplémentaire.
IFR précis : avec RNP-AR, les équipages descendent dans des vallées auparavant interdites.
Flotte homogène : entretien, formation et logistique rationalisés sur un seul type d’appareil.
Moins de bruit : le rotor cinq pales réduit sensiblement l’impact acoustique.
Quelques dates clés de l’histoire de Rega
1952 : Première mission près de Davos.
1966 : Introduction du modèle de mécénat.
1971 : Financement du premier Alouette III par les donateurs.
1980 : Sauvetage d’un parachutiste accroché à un avion — un cas d’école.
2009 : Livraison de 11 AW109SP “Da Vinci”.
2022‑2025 : Achat en deux phases des H145 D3, plus grand projet de l’histoire de Rega.

Photo: Rega
Formation de demain
La conversion au H145 D3 se fait sur simulateur certifié à Opfikon. Les treuillages sont entraînés sur tour dédiée près du centre Rega ; les médecins effectuent des stages dans les hôpitaux universitaires. La philosophie, selon Patrick Klaus : « Moins d’espoir, plus de données ».
Une mission typique
10:42 – Alerte : chute sur l’arête Mittellegi. Appel via l’application Rega.
10:47 – Décollage de Berne. Le médecin reçoit déjà des photos.
11:02 – À 3 600 m, stationnaire. Treuillage du médecin.
11:08 – Fracture stabilisée.
11:19 – Atterrissage à l’Inselspital via RNP-AR. Temps total : 37 minutes.
Regarder vers l’avenir
Les H145 D3 couvriront toutes les bases de plaine d’ici fin 2025 ; les bases alpines suivront en 2026. Des innovations comme les lunettes à vision synthétique sont en test. Pour les donateurs, rien ne change : 40 CHF par an suffisent à garantir la présence d’un rotor rouge, prêt à répondre toutes les 26 minutes.
En Suisse, où les barrières anti-avalanche partagent les cartes postales avec les chalets, l’E45 est plus qu’un hélico. C’est une promesse.
📷 Photo : Rega
Rejoignez les donateurs Rega → https://portal.rega.ch/fr/login






