La percée de Bonnet sur le kilomètre vertical 1
Rémi Bonnet performs at the KM Vertical Fully in Fully, Switzerland on October 18, 2025. // Baptiste Fauchille / Red Bull Content Pool

La vallée du Rhône dans le canton suisse du Valais possède une particularité près du village de Fully : une ancienne ligne de funiculaire qui pose une question brutale—à quelle vitesse un humain peut-il monter tout droit ? La réponse, le 18 octobre 2025, est venue du coureur de montagne et ski-alpiniste suisse Rémi Bonnet. Il a gravi 1 000 mètres de dénivelé positif en 27 minutes 21 secondes sur le parcours de 1,92 kilomètre du Kilomètre Vertical de Fully, pulvérisant le record du monde précédent de plus de 90 secondes.

« Je ne pensais pas que c’était possible. J’ai fait cette montée cinquante fois dans ma carrière, et je sentais qu’aujourd’hui pourrait être spécial. » — Rémi Bonnet

Bonnet, 30 ans, originaire de Charmey dans le district de la Gruyère, avait déjà décroché le titre mondial de course verticale quelques semaines plus tôt à Canfranc, en Espagne. Mais la performance de Fully était différente : à la fois compétition, laboratoire et expression personnelle.

Ce n’était pas seulement le temps qui stupéfiait. C’était le contexte. Le parcours débute à La Belle-Usine (500m d’altitude) et se termine aux Garettes (1 500m) via une ancienne ligne de funiculaire avec des pentes moyennes dépassant 50 pour cent et des pics approchant 60 pour cent. Les bâtons sont obligatoires. La piste n’est pas un sentier ordinaire—c’est un sprint vertical contre la montagne.

### La préparation et la marge

Dans les jours précédant la compétition, Bonnet a effectué une reconnaissance le 12 octobre, enregistrant 28’29” sur le parcours—déjà plus rapide que la marque officielle de 28’53” établie en 2017 par l’Italien Philip Götsch. Cette course est apparue sur son fil Strava et a généré un buzz précoce : s’il était prêt pour 28’29” avant le jour de la course, pouvait-il passer sous la barre des 27 minutes en conditions de course ? La réponse : oui.

Des allées de terrasses viticoles cèdent la place à la forêt, et la forêt cède la place à ce qui ressemble à un escalier taillé dans la montagne. À chaque pas, les enjeux montent : la respiration devient plus difficile, l’acide lactique s’accumule, et l’esprit questionne si la vitesse maximale est tenable. Bonnet, mesurant 1,82m pour 61kg, est taillé pour cette tension, avec des racines en ski-alpinisme qui entraînent la mécanique en montée et la récupération en descente à parts égales.

Le jour de la course, les conditions ont coopéré : frais, stable, pas de tempête. La pente est restée impitoyable. Les organisateurs de la course ont noté que l’édition 2025 avait « les meilleures conditions que la ligne ait connues depuis des années ». Alors que Bonnet franchissait la ligne d’arrivée, bras levés, le chronomètre affichait 27:21—un nouveau record du monde pour un kilomètre vertical, battant la marque de Götsch de 1 minute 32 secondes.

La percée de Bonnet sur le kilomètre vertical 2

Photo : Rémi Bonnet gravissant le Kilomètre Vertical à Fully. Crédit : Baptiste Fauchille / Red Bull Content Pool

La percée de Bonnet sur le kilomètre vertical 3

Photo : Bonnet dans la section médiane raide. Crédit : Baptiste Fauchille / Red Bull Content Pool

### Physiologie et tactiques

Un kilomètre vertical est comme un sprint de 100 mètres effondré en une montée cauchemardesque. Il exige puissance explosive, efficacité en montée, technique parfaite aux bâtons et tolérance à la douleur. La double identité de Bonnet comme ski-alpiniste et coureur de trail a joué en sa faveur : l’entraînement qui l’emmène skier sur les glaciers se transpose aux batailles en montée contre le chronomètre.

« C’est très, très raide et assez difficile. Si vous essayez de rester debout sur la pente, vous tombez en arrière. » — Rémi Bonnet

Pendant la course, les bâtons deviennent des extensions de l’intention de l’athlète : ils propulsent chaque pas dans la pente, ils rattrapent le corps quand la montagne repousse. La pente du parcours ne permet pas la mécanique de course conventionnelle—elle force un rythme plus proche du ski-alpinisme en montée.

Tactiquement, Bonnet savait quand pousser et quand doser l’effort. Il a explosé dès le départ, gagnant mètre après mètre. À mi-course, il avait une marge claire. Il a maintenu la poussée jusqu’à la terrasse finale raide, une arrivée en montée qui séparait le champion de l’amateur. Le temps de 27:21 redéfinit la référence de ce que le corps humain peut faire dans un effort soutenu en montée.

### Au-delà du record

Ce n’est pas la première fois que Bonnet sort de la norme verticale. Il possède plusieurs titres en ski-alpinisme—une discipline où la montée et la descente comptent autant que la durée. Son succès en ski-alpinisme en 2024 et début 2025 a préparé le terrain pour son retour de blessure cet été : une fracture de fatigue plus tôt dans l’année menaçait de faire dérailler sa saison, pourtant il a rebondi pour décrocher le titre mondial vertical en septembre à Canfranc (6,4 km, 990m D+ en 37:50).

Plus que cela, c’est une géographie personnelle. Fully se trouve dans son canton natal, proche d’un terrain familier. Il avait gravi la ligne des dizaines de fois ; il connaissait les prises subtiles, les changements de sol, les micro-corniches qui mordent quand on est à bout de souffle. Il connaissait la présence des spectateurs, l’attention médiatique.

Dans l’interview d’après-course, il a réfléchi : « Je pensais que j’avais commencé un peu trop vite quand j’ai vu les premiers temps intermédiaires. Ensuite, j’ai pensé qu’en fonction de comment je me sentais, tout allait bien. Alors, je me suis dit que peut-être aujourd’hui va être spécial et je vais pouvoir tenir jusqu’au sommet. »

### Et maintenant ?

Ce qui attend Bonnet est alléchant. Ayant brisé la barrière du kilomètre vertical, il pourrait se tourner vers le domaine de l’ultra en montée, combinant longue endurance avec pentes raides. On spécule qu’il pourrait cibler des lignes où la montée domine mais la descente exige encore de la technique—un hybride de ses mondes de ski et de course en trail.

Pour le sport de la course verticale, son temps est une nouvelle référence—27:21 deviendra le chiffre que tous les autres chasseront. Il redéfinit les possibilités de la discipline. Et pour le sport de montagne en général, le passage de Bonnet entre ski-alpinisme et course en trail souligne un avenir où les athlètes effacent les frontières au lieu de se spécialiser.

### Brève histoire de la course en kilomètre vertical

Le kilomètre vertical en tant que discipline formalisée a émergé dans les années 1990 dans le cadre du mouvement skyrunning, pionnier de l’alpiniste italien Bruno Brunod et d’autres qui cherchaient à créer des courses montant directement les montagnes avec une distance horizontale minimale.

**2014 – Urban Zemmer (Italie)**
A établi le premier record du monde reconnu à Fully avec 29’42”, faisant du parcours le plus rapide au monde.

**2017 – Philip Götsch (Italie)**
A coupé près d’une minute de la marque de Zemmer, enregistrant 28’53” à Fully. Ce record a tenu pendant huit ans et était considéré par beaucoup comme proche de la limite physiologique.

**2021 – Kilian Jornet (Espagne)**
A établi un FKT (Fastest Known Time) de 28’48” à Vengetind, Norvège, bien que ce ne fût pas sur un parcours VK officiellement sanctionné.

**2025 – Rémi Bonnet (Suisse)**
A démoli le record officiel avec 27’21” à Fully, franchissant la barrière que beaucoup pensaient impossible et redéfinissant les attentes pour la discipline.

La course en kilomètre vertical féminine a connu une évolution similaire, avec la coureuse française Axelle Mollaret établissant un record du monde de 33’00” en septembre 2025 à Nantau-Montriond, France.

La discipline continue de croître, avec le Vertical Kilometer World Circuit présentant désormais des courses en Europe, Asie et Amériques. Fully reste l’étalon-or—le parcours le plus rapide, le plus raide et le plus prestigieux de la discipline.


### Faits clés : Kilomètre Vertical de Fully

  • Distance : 1,92 km (1 920m horizontalement)
  • Dénivelé positif : 1 000m (de 500m à 1 500m d’altitude)
  • Pente moyenne : > 50%
  • Pente maximale : Approche 60%
  • Record établi par Bonnet : 27:21 (18 oct. 2025)
  • Record du monde précédent : 28:53 (Philip Götsch, Italie, 2017)
  • Marge d’amélioration : 1 minute 32 secondes
  • Équipement requis : Bâtons obligatoires ; terrain exigeant technique de montée, course à plat minimale
  • Format de course : Départ individuel contre-la-montre avec points de contrôle tous les 100 mètres
  • Participants 2025 : 669 coureurs (environ)

### Spécifications techniques

  • Taille de Bonnet : 1,82m
  • Poids de Bonnet : 61kg
  • Né : 3 mars 1995 (30 ans)
  • Ville natale : Charmey, district de la Gruyère, Canton de Fribourg, Suisse
  • Sponsors principaux : Salomon, Red Bull
  • VK World Series précédentes : Vainqueur 2015
  • Champion du monde vertical : 2025 (Canfranc, Espagne)
  • Vitesse moyenne : Environ 2 195m/heure (vertical)
La percée de Bonnet sur le kilomètre vertical 4